vendredi 13 février 2009

Un point de vue synoptique, pour tout voir d'un seul coup


"Hello,

Non non, 6 whisky cul sec c'est pas un mensonge, d'ailleurs je crois pas en faire sur le blog, et c'est même en deçà de la réalité car après avec les jeunes on a continué et comme je ne bois pas de bière j'ai dû encore en prendre 4 ou 5. Mais c'est précisément pour ça que je ne me rappelle plus du tout de la fin de soirée, blackout, je me réveille le lendemain dans mon lit sans savoir comment j'y ai atterri, me rappelant vaguement dire au fils de la famille (la 30aine) que ok je le suis dans sa soirée d'après puis 30 secondes plus tard me dire que non en fait c'est peut-être pas une bonne idée. En tout cas les autres s'en rappellent pour moi, de cette fin de soirée, puisque le lendemain se sont succédés les "you were so drunk last night!" de la part de ceux de ma famille qui parlent anglais... Mais sans moquerie, un vrai rire disons généreux, car je crois qu'ici ils ont l'habitude de voir les hommes bourrés à chaque soirée.

Au passage et dans la catégorie ethnologie de bas étage, les asiatiques ont ceci de marrant quand ils boivent qu'à l'instar de mon ami florian blanc dont on devine le taux d'alcoolémie à l'état de sa veine frontale qui se gonfle au gré de son débit de boisson, eux deviennent tout rouge, mais vraiment tout rouge. Tu te tournes vers une table de 10 personnes donc et tu vois que 3 des types sont rouges écarlates, et tu comprends qu'ils vont pas tarder à partir (oui ici m'explique la femme du fils (on s'appelle par nos liens familiaux en asie) les hommes ne préviennent pas quand ils partent, tu trinques avec un type et hop en 2 secondes il s'est cassé car il se sentait défaillir, et toi évidemment n'étant pas au fait de ces moeurs somme toute anglo-saxonnes tu restes jusqu'au bout et tu finis pas exploser. Et toi qui me disais la dernière fois qu'il t'arrivait de devenir rouge, ce qui avait soulevé le scepticisme général, je veux bien te croire désormais car j'en ai vu des très bronzés tourner rouge corrida.

J'ai vu un film incroyable hier, que m'avais refilé Sylvain avant que je parte: His girl Friday de Howard Hawks. Le film que j'attendais depuis un moment, notamment pour son personnage de femme forte et pour la relation entre le garçon et la fille; il faut que tu le voies, demande-le à Sylvain (demande lui au passage de te conseiller d'autres films, à moins que tu ne veuilles t'en tenir à ton "un film par mois"). Ma première comédie du remariage, Sylvain toujours me les a toutes passées.

En parlant de ça, rêvé de qui tu sais il y a 2 ou 3 jours, pour la 1ère fois depuis mon arrivée. Toujours le même rêve, à peu près en tout cas, des retrouvailles puis le retour d'un certain train train quotidien, avec les yeux je crois de celui qui en connaît désormais la valeur. Je suis retourné sur le FB de son mec hier je crois, c'est d'un déprimant...

Sinon je suis déjà content de ma journée (il est midi). Ce matin j'ai rendu visite au directeur d'une chaîne de télévision locale, ancien de mon école et donc extrêmement helpful avec moi. Il m'a présenté ses installations et ses équipes, dont les rênes sont presque exclusivement tenues par des franco-khmers comme moi. On va sans doute collaborer ensemble, il met à ma disposition tout le matériel dont j'ai besoin, quand je veux (ce qui est quand même assez hallucinant), je vais aussi organiser des visites des locaux avec mes élèves, les faire assister au tournage d'un émission, etc. Il m'a proposé d'être dans le jury de leur concours de courts-métrages (le concours sfr jeunes talents local donc, où un certain JJG officiait comme président du jury). Euh mais de tout ça tu t'en fous non? C'est surtout la suite qui m'a rendu heureux. J'ai fait ma première marche seul dans les rues de Phnom Penh, pendant près d'une heure. Arpenté les petites rues, à midi en plus il y a plein de famille qui mangent et les portes restent souvent ouvertes. Au départ je me disais que cette marche allait me donner le temps de réfléchir à comment filmer la scène de ce soir avec toutes ses anciennes gloires qui se retrouvent, de pas encore avoir l'impression désagréable de devoir improviser par manque de préparation et de réflexion et de regretter ensuite. Puis je n'ai plus du tout pensé à ces questions de mise en scène et le temps est soudainement devenu gratuit, il n'était enfin plus soumis à la loi de l'efficacité. Première fois donc que le temps n'est pas qu'une succession d'événements ponctuels entre lesquels des plages où se succèdent des trajets trop rapides en moto, tuctuc ou voiture et des moments dans ma maison d'accueil, dans ma chambre ou à manger avec la famille. Des événements ponctuels trop verrouillés pour être totalement plaisants: cours des ateliers, rdv avec tel ou tel professionnel, déjeuner avec un autre, visite d'une famille éloignée. Quelque chose de trop mécanique au bout d'un moment qui me donnait l'impression paradoxale (au sens où ce sont souvent des événements professionnels) d'être toujours un touriste avec ses bagages à l'hôtel et son programme à dérouler tranquillement. Pas encore eu le sentiment de trouver ma place, loin de là, mais au moins cette dilution et cette gratuité du temps m'ont fait un bien fou, m'ont redonné une envie folle de trouver un appart solo au plus vite et de passer beaucoup plus de temps dans les rues plutôt qu'en intérieur.

Ah oui dernière chose et là je suis certain de t'intéresser. Dans la rue tout à l'heure, sur une grande avenue en fait, je croise (plus exactement je rattrappe car nous allons dans la même direction) deux enfants habillés en écoliers, un garçon qui doit avoir 5 ans et une fille qui doit en avoir 7. Une soeur et son petit frère, j'engage la discussion et nous faisons route commune pendant une dizaine de minutes. Je me rends compte que mon cambodgien est encore catastrophique car je ne comprends rien à ce qu'ils me disent, le vacarme de la rue et le faible volume de leurs voix ne m'aidant pas trop. Mais ils comprennent que je suis français et je comprends qu'ils rentrent manger chez eux et que la petite aimerait bien visiter la France un jour. Le garçon est tout content et il tente de me prendre la main, coutume locale ici entre enfants ou entre amis. Et là je m'arrange pour la lui lacher à la première occasion, alors qu'en soi franchement je trouvais ça insignifiant et même plutôt touchant. N'empêche que j'ai suivi la semaine dernière le programme pour la sécurité des enfants et que dans les choses à ne surtout pas faire il y avait ce genre de familiarité, et qu'influencé par ce programme (qui a bien sûr sa légitimité hein, et ses raisons: ne pas habituer les enfants à trop faire confiance aux étrangers etc) je me suis senti gêné, notamment de l'éventuel regard des autres. Je suis curieux d'avoir ton sentiment sur ce micro événement.

J'y vais je dois préparer ce tournage. Je lis ton blog tous les jours, j'aime beaucoup. Et j'attends toujours LMDLF, c'était pas prévu pour mon départ? Tu peux m'envoyer un poème de Baudelaire, je le lirai avec un verre du whisky de philou que je n'ai pas encore ouvert depuis mon arrivée.

Ciao"

2 commentaires:

  1. Tout voir d'un seul coup D'OEIL ! mon cher, avec un point d'exclamation après oeil.
    Plus tard le poème, pour l'instant ces deux vers du "Crépuscule du matin" qui surgissent dans mon esprit à un moment de ton email (je sais plus où exactement) : "C'était l'heure où l'essaim des rêves malfaisants / Tord sur leurs oreillers les bruns adolescents." Ah si je sais maintenant. Oups.

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  2. mais, mais, mais tu m'as piqué mon gimmick (forme epistolaire, tutoiement) !

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