mardi 31 mars 2009

Where would plants go if they could walk ?

Aujourd’hui moment très marrant, encore un, dans l’université concurrente de celle où j’ai un atelier. C’est Ana, que j’avais rencontré à la M. et qui m’avait estomaqué par son aptitude très inhabituelle pour une cambodgienne à parler à tout le monde, à faire des blagues et à rire fort, qui m’avait convié à ce que j’avais compris être des débats chaque dimanche à midi sur des thèmes à chaque fois différents, et que j’imaginais être d’actualité, économiques ou politiques. Tu parles. Je débarque dans un toast master club (je pense que vous pouvez trouver sur google moi j’ai pas internet), c’est à dire une sorte de club privé où les membres s’entraînent à devenir de bons orateurs en venant chaque semaine s’exprimer devant tout le monde. C’est très procédurier, même pré-minuté sur une feuille distribuée à chacun, il y a d’abord un grand américain, visiblement le président de séance, qui lance le meeting par une blague (le moment s’appelle sur la papier « joke telling » et doit durer 5 minutes), puis une fille cambodgienne prend le relai (tout le monde parle anglais), parle deux minutes et redonne la parole à l’américain qui va alors pendant 30 minutes poser des questions un peu absurdes, genre quelle est la fleur que vous détestez le plus, auriez-vous peur d’un ghost tree, et désigne à chaque fois dans la salle quelqu’un qui doit venir donner une réponse à la question devant tout le monde, en essayant d’être « out of the box ». Les types sont plus ou moins doués, plutôt moins, et peinent à faire de l’humour. On dira qu’ils restent bien dans la boîte mais à leur décharge l’exercice n’est pas facile et en plus ils semblent tous parler mieux anglais que moi.

Après cela trois filles vont se succéder et parler chacune 7 minutes sur un discours de leur composition sur un sujet donné, ici la peur, là the power of story telling. A chaque fin d’intervention un evaluator à chaque fois différent vient à son tour au centre donner son impression de la prestation précédente, en essayant d’être critique mais c’est quelque chose d’assez difficile pour les cambodgiens (pas tant l’esprit critique que de dire du mal de quelqu’un).

Ah oui j’oubliais il y a plein de votes : on vote à bulletin secret pour la personne ayant eu la meilleure réponse dans le premier exercice, puis pour le meilleur discours, puis pour le meilleur évaluateur. Ca plus le fait que chaque intervention soit récompensée d’applaudissements nourris, que chaque passage de parole se fasse par une poignée de mains virile, ou encore que chacun des trois discours baignait dans une certaine culture de la win (se battre pour gravir les échelons du jeu social, avoir un rêve mais travailler pour le réaliser, la famille qui transmet par le récit son expérience pour les générations à venir…) donnait un truc à l’idéologie très anglo-saxonne et a fortiori américaine dont la rencontre avec des cambodgiens habituellement à l’opposé de cette culture était tout à fait fascinante.

A la sortie et après que j’ai pris la parole car l’américain a demandé à tous les « guests » de faire un commentaire sur ce qu’ils ont vu, plusieurs jeunes viennent à ma rencontre me questionner puis m’invitent à manger avec eux dans un Mac Donald’s local. Je retiendrai surtout Thaoo (c’est fou comme les universités sont désertées par les jolies filles), un garçon de 18 ans étudiant l’anglais et les medias, qui m’a dit qu’il pensait que j’avais son âge (alors là je comprends vraiment pas pourquoi même au Cambodge on me dit que je fais jeune alors que j’avais toujours dit en France pour me défendre que c’était dû à mon génotype asiatique), et qu’il aimerait trop assister aux ateliers ou m’aider dans mes films, malheureusement c’est un peu tard pour les ateliers mais j’aimerais bien le revoir il a une tête marrante.

lundi 30 mars 2009

Elle s’appelait Sylène, je l’avais presque oubliée


copyright Julien S.

Avec le plan séquence de Carlito’s way j’ai abordé pour la troisième fois des sentiers théoriques qui à chaque fois me donnent des sueurs tant j’ai l’impression de patauger et de ne pas savoir comment rebondir devant ces regards perplexes. La première fois c’était la séquence du tango dans Catch me if you can et la seconde l’utilisation du zoom arrière dans Barry Lyndon, là j’invente rien je reprends ce que j’ai lu chez Lagier, mais faire comprendre qu’un personnage peut contre son metteur en scène se cacher dans la coupe entre deux plans et que celui-ci lui répond en sortant le plan séquence, c’était peut-être un peu ambitieux. Quoiqu’il en soit je leur ai montré après le film en entier (je programme un film chaque semaine pour ceux qui veulent rester après le déjeuner, avant y’a eu Vertigo et Kill Bill) et même là je les ai senti se faire un peu chier, trois se sont endormis, un autre s’est barré, je sais pas si c’est le fait qu’ils dorment pas beaucoup ou que vraiment cette génération élevée aux films coréens ne peut plus supporter une scène de discussion dans un film (l’impasse film lent, quand même…). Du coup je sais pas quoi passer pour la prochaine fois, j’ai trop peur qu’ils désertent tous (et j’ai aucun film HK sur moi à part des WKW mais là aussi, encore si j’avais Chungking Express mais c’est le seul que je n’ai pas retrouvé). Je veux leur passer un film romantique car ils adorent les films « sentiment » (en français dans le texte) mais je n’ai rien sous la main (merde j’aurais dû acheter Breakfast at Tiffany’s). Ah j’ai trouvé je vais acheter Twilight au marché noir (2 dollars le dvd piraté en parfait état sauf les traductions anglaises absolument catastrophiques). Mais bon j’étais censé faire une programmation histoire du cinéma en 15 films…

Vannak me propose de me raccompagner chez moi mais surprise quand je sors du CDI c’est finalement Boramey qui m’attend, elle s’est arrangée avec Vannak car mon quartier est sur son chemin. C’est la première fois qu’on n’est que tous les deux, on parle surtout de la situation des lady boys au Cambodge. Elle m’enverra un texto le soir pour me dire qu’elle ne peut pas me rejoindre et je m’apercevrai alors que je ne peux pas lui répondre car je n’ai plus de crédit sur mon téléphone et même plus 5 dollars en poche pour le recharger tant l’hôpital français m’a dépouillé la veille.

Au CF où je rejoins Viesna qui m’a prévenu dans l’aprem qu’il y aurait une expo vidéo, je croise comme c’est le cas à chaque fois que je vais dans ce genre d’événement plein de têtes connues, le directeur de télé, la proviseur du lycée français, la mère artiste de deux de mes élèves français, mon seul allié dans le centre d’archives de RP, le bras droit de Nico à la M… Et je me dis que ceux-là se croisent donc tous les soirs car il y a tous les jours des trucs à faire dans ce circuit. Du reste je ne critique pas, c’est un peu la même chose dans le milieu du ciné, tout juste me fais-je la remarque que même si je les connais (et encore je ne crois pas connaître beaucoup de monde) je me sens pour l’instant étranger à ce manège sans que je sache si je le regrette ou pas (enfin si je sais que j’en tire une fierté finalement assez puérile en même temps qu’un léger regret (mon côté mondain dont il faut que je me débarrasse), deux passions tristes donc). A la limite ça on s’en fout, c’est plutôt qu’à un moment un sentiment étrange s’est invité qui m’a ensuite poursuivi pendant la suite de la soirée. A cette expo je suis donc avec Viesna et sa bande que je connais maintenant un peu, et on est tous assis presque au milieu de la pièce centrale, une dizaine de personnes disons, à parler et à se marrer. Et là passent des gens que je connais, certaines des personnes précitées, et quand nos regards se croisent, je ressens une gêne, comme si tout d’un coup je prenais conscience que je faisais semblant, et qu’eux pouvaient rien qu’avec leur regard révéler la supercherie, que je suis bel et bien un français qui joue au cambodgien, tapis dans un groupe de jeunes locaux, à parler et rire avec eux alors qu’il ne comprend même pas leur langue.

Plus tard au même bar que celui de la vente aux enchères caritative, où un français que j’ai rencontré à mon arrivée fête son anniversaire et où j’ai incrusté la bande à Viesna, rebelote. On est tous les 6 allongés les uns sur les autres dans une sorte de boudoir en plein air, à se prendre en photo (il y aurait aussi beaucoup à dire sur la joie qu’éprouvent les jeunes ici à se prendre en photo), à se faire des papouilles (de préférence entre même sexe, l’amitié étant ici quelque chose de très tactile (oui fanny je me fais violence mais j’en suis très content)), Dan me pince la poitrine en me demandant si je fais du sport, Soleil me montre des vidéos sur son téléphone de ses chansons US préférées, des soupes mélo inécoutables, je lève les yeux et juste à côté plusieurs dizaines d’occidentaux debout un verre à la main, les filles tirées à quatre épingles, les garçons tout en muscle et bronzage, c’est tout ce qui me dégoûte pense-je, et pourtant j’ai envie d’y être, de leur parler, de retrouver un goût d’occident. C’est quand même dingue, je suis en passe de réussir mon pari : je connais beaucoup plus de cambodgiens que d’étrangers, je suis presque intégré dans au moins deux groupes d’entre eux, je ne sors pas dans les coins à expats tous les soirs, et pourtant cette envie d’ailleurs qui ressemble trop à cette fameuse loi de l’herbe est toujours plus verte chez ton voisin pour que je ne trouve pas une autre explication à ce coup de blues, et celle-ci finit par arriver. Le premier degré dont je parlais précédemment concernant la fête à laquelle j’avais assisté, ce premier degré que je retrouvais ce soir également, dans les photos, les chansons et la façon de rire, ce premier degré qui finalement définirait plutôt bien tout ce que j’aime dans cette jeunesse cambodgienne, je l’admire, je l’envie, je suis heureux d’en être le spectateur mais, et malgré tous mes efforts pour en être, je n’en serai précisément jamais que le spectateur. On ne retrouve pas sa virginité si facilement par art du mimétisme et facilité sociale, et c’est un constat assez douloureux.

dimanche 29 mars 2009

Pardonnez-moi M. Gaide, professeur d’anglais en classe prépa à Lyon

"Hi,

The first part of the film workshop, the theorical one, nearly ends. The students have learnt and practiced in the same time and now they know a little about movie langage, editing and shooting. They shot a short story they wrote last week, will edit it this week and the film will be on A. TV in May.

Now we begin to work on the final project of the workshop that is a collective film of nearly 45 minutes with all the classes involved in this project : MS, RU, R. and LD.
Each class will be divided into several groups (but we don’t mix the schools) and each group will write a sequence of the scenario, then will shoot and edit it. The writing of the scenario will go from one group to another, so that each group when it will be its turn will have the possibility of changing the direction of the movie if it wants to. In MS we have 12 students so we’ll make 3 groups.

When all the scenario will be written, we will organize a casting for the whole movie. This is the main point of my message. I obviously don’t know yet what will be the story and who will be the main characters, but I do want to make the casting with students from MS. Several reasons came to my mind when I had this idea : the creativity they show me (for the students of the film class) each week, their natural in front of the camera (better than the other students) and the fact that their schedule is sometimes more flexible than other students because I work directly with the staff of the school. I know that the students are not here to be actors but to learn a job, but I really think that if the schedule allows them to participate in the film that would be a great experience for them.

So the idea would be to organize the casting in MS, opened for all the students from MS for the young characters of the movie (and maybe opened also for other people if we have special ask for). I need to know if you agree with this idea because it will have consequences for the students who will be chosen as actors : we will shoot nearly 14 sequences, that means that we will need them a lot, sometimes in the week-end but maybe sometimes during the week. The schedule will not be easy to organize because I face the contraints of each school and each students… Of course I will be more precise when we will have the scenario and the complete list of characters.

The casting would be between the 27th April and the 2nd May.
The days for the shooting will be spread in May and June.

I am opened to any suggestions and hope that you will like the idea. I really think that it would be great for the film and also for the students of MS.

Best regards,"


ah tiens regardez ce que j'ai trouvé en dérushant , ça m'a pris 2h45 pour la mettre en ligne (alors que j'ai encore une dizaine de vidéos prêtes à être postées), internet a buggué vers la fin, j'ai cru que j'allais chialer mais non tout va bien ça a marché.

vendredi 27 mars 2009

Rain and tears

Mon oreille gauche va exploser. C’était pourtant la droite qui a commencé à me faire mal au réveil il y a trois jours, mais l’autre s’y est mise aussi et elle se fait maintenant un plaisir de bourdonner comme si une abeille était à l’intérieur et me piquait régulièrement. Comme je ne suis pas sûr d’être encore à la sécu française et que je n’ai pas pris le temps de m’assurer sur place (c’est surtout que je n’avais pas prévu le coût et que c’est bonbon et que je n’ai pas un rond), je suis allé voir un médecin local conseillé par ma famille de Phnom Penh. D’après lui c’est juste dû aux boules quies, il ne m’a donc prescrit qu’une crème qui pour l’instant ne fait aucun effet… Je ne dois ma survie qu’aux cachets de paracétamol que je prends toutes les 4h. Du coup sans boules quies je suis condamné à me réveiller tous les matins à 6h vu qu’on entend la rue comme si on y était de mon appartement, et ceci même si je suis au 3ème.

Et c’est dans cet état que j’abordai ce matin la journée que j’appréhendais le plus concernant les ateliers depuis le début, à savoir 3 tournages avec 3 classes différentes en vue de monter le tout la semaine prochaine et de pouvoir participer au concours de films courts organisés par la chaîne TV de mon vieil ami de l’essec, proposition que j’ai tout de suite acceptée d’abord parce que je sais pas dire non, ensuite parce que ça constitue un bon entrainement pour les élèves avant le film collectif final qu’on va commencer à travailler bientôt, enfin parce que les élèves seront trop fiers de se voir à la télé.

Si j’appréhendais cette journée, c’était surtout dû à celle de la semaine d’avant où chaque classe avait dû écrire des mini films par groupes puis choisir celui qu’on tournerait la semaine d’après. Ce jour-là je m’étais confronté à plusieurs choses désagréables à la fois, mes énormes limites de professeur dans tout ce qui concerne l’esprit critique en temps réel et la psychologie pédagogique, l’obstacle de la langue, car il m’était presque impossible de comprendre exactement quels découpages ils avaient en tête (l’exercice était de raconter une histoire en 6 plans muets avec un très gros plan et un panoramique), mon incapacité à gérer des enfants, mes 5 collégiens français me rendant dingue par leur indiscipline (et moi évidemment qui ne sais pas me fâcher). En bref je commençais à douter sur ma capacité à leur faire faire des films corrects et comprenais que malgré tous les cours théoriques sur le plan, les mouvements de caméra ou le montage, il est difficile de penser un film quand on n’en a presque jamais vu de sa vie. De plus le dernier cours avec les collégiens m’avait presque déprimé, dans la mesure où j’avais l’impression que le film qu’ils s’apprêtaient à faire était catastrophique et que je n’avais rien trouvé à dire pour les en empêcher.

Ce matin donc, une montagne à traverser et des oreilles au bord de l’explosion : je n’avais aucune idée de ce qu’allaient donner ces 8 heures de tournage sous le soleil. Et j’avoue que je me suis éclaté, même si là tout de suite j’ai envie de dormir comme rarement. Je ne sais pas ce que donneront les films (pas grand chose sans doute, même si j’espère un ou deux beaux moments dans celui des élèves de la rue) mais les élèves se sont révélés impliqués et créatifs, tous les plannings ont été respectés et à chaque fin de tournage tout le monde avait le sourire. C’est déjà ça.

Heng 12 :38
« Hav u seen doctor ? I’m so worried about u. Will u be able to teach us on this Saturday ? »

Viesna 09 :40
« Morning Davy, how are you today ? How were your ears ? Did doctor say anything about why it hurt ? »

Seila 11 :01
« hi Davy how r u duin ? r ure ears ok ? wish u good health »

Sothoeuth 11 :02
« Hi, Davy ! I heard year 3 students said you have problem with your ears. How is it now ? Wish you better soon. Good luck ! »

Kim Oan 15 :27
« Hi Davy, i didn’t see u at de party yesterday. How i sur ear now ? wish they r fine. Kim oan ! »

Boramey 16 :47
« heard dat u were sick , r u getting better now ? »

Soratha 17:38
"hey DAVY! U GET better now? I heard u got sick with ur ear. Soratha"

"Dear Lecturer:
How have you been? I heard my classmates had said you got sick.
We really want your participation in the final days of our production and joined the party of the production and certificate ceremony.
Your ideas in editing help us a lot and make the film production possible.
Best Regards and Best Wishes
Sokunthea, DMC
Tel: 012 839 26"

mardi 24 mars 2009

en 3 temps - 3

Pire nuit depuis mon arrivée : je débarque chez moi à 20h30 conduit par Sothea - dont je crois comprendre avec les nombreux sous-entendus dont je fais l’objet qu’il craque un peu sur moi, mais il est moins entreprenant que Soratha qui n’en rate pas une pour me demander s’il peut avoir des cours particuliers pour rattraper les séances où il était absent ou s’il pourra venir dormir chez moi s’il vient un jour à Paris – juste après avoir diné avec 6 étudiants sur la gentille initiative de Kim Oan, et là surprise : pas d’électricité. L’horreur. Pas de lampe torche, mon téléphone, seule source de lumière, a bientôt plus de batterie, je sais qu’il y a quelques milliers de fourmis rouges qui se sont invitées chez moi depuis que j’ai eu la bonne idée de laisser un sac poubelle avec de la bouffe dedans à l’intérieur et il est trop tard pour appeler ma famille cambodgienne. Pour avoir une idée du sentiment d’impuissance à ce moment là je sais pas il faudrait s’imaginer être à la campagne sans amis et sans téléphone et là blackout total à 1h du mat. Tout ce qui est au congel a fondu, signe que ça fait un moment que ça dure et que je vais devoir jeter tout ce que j’ai au frigo. J’appelle mon proprio qui ne parle pas anglais mais heureusement sa fille oui qui me dit que son père débarque dans 15 minutes. Plus de clim et de ventilo donc, je sue comme un porc en caleçon assis dans mon living room à écrire sur mon mac quand il arrive avec son fils, pour finir par me dire qu’il reviendra demain matin voir ce qui ne va pas mais qu’en attendant je peux dormir dans l’appart d’en dessous qui lui appartient aussi. Là où je suis donc au moment où j’écris, seul dans la chambre où j’ai installé le lit pliant, à me demander ce qui est le pire : la poussière sur le sol, l’eau du robinet qui sent la javel, le fait d’avoir oublié d’acheter de l’eau minérale et que je commence à être en complète déshydratation ou le fait que je risque bien d’être une fois de plus le festin préféré de mes amis les moustiques.

en 3 temps - 2

Quelle prétention ! Et quelle leçon ! Je poste quand même le billet précédent, même si deux jours ont passé, comme un autodafé (pas sûr d’utiliser le bon terme là), mais comment ai-je pu avoir la vanité d’apprendre aux cambodgiens à faire la fête ? Comment me suis-je persuadé qu’il fallait leur montrer qu’on pouvait s’éclater passé 21h en buvant des bières et en dansant sur Justice ?

Je me suis rendu le lendemain - comme un signe – à la Farewell Party à l’université pour le départ d’une prof, teuf organisée par Heng l’une de mes élèves et quelques autres. Ca commence à 16h et quand je dis organisé ça fait écho à la question que m’avait posée Sonina en arrivant chez moi samedi et que je n’avais pas comprise: « So what is the program ? ». Là le programme était réglé au millimètre, avec dans l’ordre bouffe (mais contrairement à chez moi beaucoup plus de nourriture que de boisson), jeux (de celui qui mangera le fruit accroché à la ficelle le plus vite à celui de la chaise musicale sans oublier la course en couple avec ballon, où j’ai perdu en finale avec Pidor l’assistante du département sur qui Bunny a des vues à moins que je ne comprenne définitivement pas l’humour cambodgien), film surprise (de départ de la prof) puis danses en plein air alternant musique khmères vieilles et récentes avec du hip hop et du madison, et ça a même fini par un concours improvisé de défilé en couple (là je n’ai pas osé participer). Depuis quand je bave sur un programme me diras-tu, non c’est pas tant que ça que la façon incroyable avec laquelle ils accueillaient chaque événement, cette façon de remettre à chaque fois en jeu une innocence qui contrastait tellement avec ce que j’avais vécu la veille dans la boite branchée (s’amuser car on en a pris l’habitude chaque week end, danser mécaniquement car on sait que c’est ce que notre corps fait quand il entend de la musique techno). Pas une goutte d’alcool et pourtant à 20h j’avais l’impression de me retrouver devant une cinquantaine de gens ivres morts.

En réalité on peut comparer ce que j’ai vu à une kermesse de fin d’année au primaire organisée par l’école, avec animations et tout et tout, et expliquer cet état de fraicheur par le fait qu’ils font 2 à 3 fêtes par an, n’empêche cette façon d’aborder la danse m’a revivifié, ni la démonstration technique ni la parodie forcée, juste une joie très enfantine de faire bouger son corps de façon inhabituelle, de se laisser aller et de rire aux effets engendrés. Non j’insiste il fallait voir ça : à peine la musique lancée tout le monde s’est rué sur la pelouse pour danser, situation impensable en France, et le défilé, j’y reviens mais là aussi il faut se le matérialiser. Ou plutôt imaginer situation semblable chez nous : à la fin d’une fête nous nous mettrions en couple et défilerions chacun à notre tour en singeant la démarche d’un mannequin... En fait c’est ça, aucune place pour le ridicule d’où une bien plus grande générosité et une joie bien plus immédiate. Un premier degré que j’envie pour ma part beaucoup.

Heng 21 :06
« Did u enjoy party this evening ? the food is not enough for everyone, sorry about that. Anyway, i think u enjoy dancing and game. Thanks 4 being here. »

Soratha 21 :33
« hey Davy ! Did u arrive home ? I just got home now. Feel good today. RATHA »

Vannak 22 :21
« Hi Davy. Are you home now ? I am home. Vannak »

en 3 temps - 1

Un peu déçu, pas mal même. Bien sûr on peut pas parler d’échec, il me semble que tout le monde est parti très content, mais une accumulation de petites choses pour la plupart dues à mon manque d’anticipation et d’organisation, alors que j’y ai pensé toute la semaine à cette teuf, à croire que mon cerveau prend parfois congé, ont fait que la mayonnaise n’a pris que par moments épars, et que c’était pas la folie dont je m’étais pris à rêver. Déjà envie d’en refaire une pour réparer le coup, mais vu la thune que j’ai dû dépenser pour celle-ci ça sera pas pour demain.

Bon mis à part mon retard au départ, la faute aux brochettes de bœuf grillé et au kilo de glaçon à chopper en moins de 20 minutes, c’est surtout la sono qui a pêché, je les sentais tous chauds pour danser comme des fous sur le R&B ou le Hip Hop que tous les jeunes affectionnent ici sauf que le français qui devait m’apporter des haut-parleurs est arrivé avec une heure et demi de retard ce qui est une faute professionnelle étant donné que les cambodgiens se pointent à l’heure précise et qu’en plus une fois arrivé chez moi il se rend compte qu’il a oublié la télécommande et que ça ne fonctionnera pas sans. Il repart donc chez lui mais quand il reviendra, un peu moins d’une heure après, les élèves des deux ONG seront déjà tous partis et ne resteront que ceux de l’université qui eux se tireront tous vers 21h prétextant qu’ils habitent loin, qu’ils doivent travailler demain (dimanche), qu’il est déjà tard. Et ce ne sont pas de excuses polies, c’est juste qu’effectivement on ne sort pas tard ici et qu’à 21h il est normal de rentrer chez soi. Pour finir sur la musique heureusement que Bunny a réussi à brancher son lecteur mp3 sur les haut-parleurs (c’est le branchement mac qui nécessite la télécommande), malheureusement il n’avait que de la musique cambodgienne, ce qui était très bien au début car une piste de danse s’est formée avec les danses traditionnelles khmères que j’avais apprises l’autre jour mais ce n’était pas suffisant pour véritablement lancer l’ambiance.

Les cambodgiens ne viennent en fait pas les mains vides aux fêtes, la bouffe reste la partie de l’hôte mais eux viennent avec des cadeaux, ce à quoi je ne m’attendais pas du tout. Le meilleur est celui des élèves dits de la rue, qui m’ont offert une sorte de poster avec des photos d’eux et moi pendant les cours, avec leurs signatures au dos. Faut que je trouve comment mettre ça au mur.

Quand J l’australienne et son amie Christine sont arrivées, les jeunes français n’étaient pas encore là si bien qu’elles étaient les seules occidentales avec moi au milieu d’une quarantaine de cambodgiens, par ailleurs et même si elles ne sont pas restées longtemps elles s’en sont bien tirées et je les ai vu discuter avec plein de monde (les anglophones uniquement bien évidemment).

Mal prévu les ratio de boisson, aujourd’hui il me reste pas mal d’alcool et plus du tout de soft. Faut dire que j’ai parfois des réticences à les inciter lourdement à boire vu que je suis aussi censé être leur prof. A noter que les brochettes ont disparu au bout de 10 minutes, et que j’ai profité d’aller chercher les français pour en acheter 30 autres en bas de chez moi.

A 21h donc il ne restait plus que les français plus Virak un type que j’ai rencontré à une conférence sur le cinéma cambodgien et Thirak dont je ne raconterai donc jamais nos formidables retrouvailles il y a deux jours. Quand j’ai raccompagné Virak une demi-heure plus tard Viesna et son groupe d’amis sont arrivés (ils avaient un vernissage avant).

A peu près au même moment, sans doute avant, L (je m’étais aussi trompé pour son nom, décidément, et avais compris Eleonore) a commencé à se sentir mal et ça n’a fait qu’empirer jusqu’à la fin. Je ne regardais pas trop au début, sans doute par ce que je me disais que c’était de la faute du verre de vodka que je lui avais servi en oubliant qu’à 18 ans on ne boit les mêmes verres qu’à 25, puis à un moment je suis allé voir sur le balcon et elle et son amie C étaient en train de pleurer assises sur le sol, L s’est jeté dans mes bras (sur mes genoux en fait je crois) et a pleuré un moment et comme d’habitude je n’ai pas trop su quoi dire. Un peu plus tard je lui ai fait prendre une douche froide (de toutes façons je n’ai toujours pas l’eau chaude) et surtout juste avant de partir elle est venue me voir dans ma chambre, s’est accroupie face à moi et m’a révélé le visage baissé et en chuchotant le terrible secret qui d’après ce que m’en disent ses amis refait régulièrement surface lors des soirées trop alcoolisées.

Après on est sorti dans l’une des boites à expat les plus connues avec les deux derniers français et Thirak, puis Konkir et Daet m’ont appelé comme convenu, vers 1h, on est allé les chercher à leur taf et on a fini dans une autre boite branchée sur un bateau, à vrai dire des endroits assez sordides où les seules cambodgiens sont des filles super jolies et dont on peut aisément présumer quelles sont presque toutes des prostitués, et autour des étrangers en short aux avants bras épais qui s’amusent avec elles un peu comme si de rien n’était, comme si leurs conquêtes en étaient vraiment unes, je n’ai rien contre les putes à vrai dire, au contraire même, mais je ne peux m’empêcher de trouver ces situations profondément dégoutantes, le même truc que j’ai ressenti en Thaïlande et dont je te parlais Nicky, j’aime bien la prostitution car quelque part dans la honte du gars qui paie pour faire l’amour il y a une victoire de la femme, ici - et encore pire en Thaïlande avec toutes ces filles qui cherchent surtout un mari pour sortir du pays - les types ont vraiment l’impression d’être des tombeurs, si si rien qu’à voir leurs comportements dans les boites, et la façon dont les filles réussissent à force de compliments à créer l’illusion. Et j’imagine que Konkir et Daet ne devaient pas se sentir super bien non plus. Thirak, bourré, m’a raccompagné chez moi en moto, il se propose d’être mon chauffeur dès que j’en ai besoin et ceci gratuitement. On verra.

Lyda Reyum 11 :26
« Hello teacher, how are u ? Do u have lunch yet ? What do u have to do ? We want to help u … »

L 12 :14
« Hey c L (rallye tuk tuk…), si tu ns attends tjs bien ce soir, dis moi ce que tu veux que … »

J 17 :42
« Hey davy i might just drop by and say hi. Can u send me the details again ? »

Virak Cinephile 22 :45
« Hi my friend ! u not yet finish ? i want stay with u long time tonight but i worry my mother wait 4 me long time. next time i will sleep here. Ur party so happy. G9 »

Viesna Artiste 23 :13
« How about the girl ? She get better ? »

Virak Cinephile 23 :16
« Yes if free time i will meet u or sleep at ur place next time. I want talk much with u about my problems because i no good frn to tell or talk with him. GOOD 9 »

vendredi 20 mars 2009

C'est dommage

je voulais faire le récit d'hier qui était peut-être la meilleure soirée depuis mon arrivée, enfin plutôt celle qui m'a rendu le plus heureux, mais je n'ai plus le temps, tout juste puis-je copier/coller le début de ce que j'ai écrit hier en rentrant mais ça ne fait qu'accentuer le teasing:

"C’est que l’excitation commence à laisser la place à l’anxiété. La faute à deux points de divergence culturelle : d’abord le fait que tout le monde vient quand on l’invite, comme si ça se faisait pas de refuser, si bien que contrairement aux fêtes parisiennes où je dirais que le taux de transformation tourne autour d’un tiers là je fais presque du 100%, ensuite le fait qu’un invité est censé arriver les mains vides, c’est-à-dire que c’est l’hôte qui reçoit au sens plein du terme et doit donc faire preuve de générosité pour prouver sa richesse sans doute et que sais-je encore. Et me voilà donc à réfléchir au moyen de nourrir les 60 personnes au moins que je vois d’avance se pointer samedi. Et le niveau de vie a beau être bas ici l’alcool est surtaxé et idem pour les chips et autres cochonneries… Bon la satisfaction est que j’ai obtenu le feu vert pour inviter les élèves les plus difficiles, et qu’ainsi toutes les écoles seront représentées. Mais tout ce monde dans mon petit appart, moi qui n’ai jamais vu à quoi ressemblait une teuf cambodgienne, qui ai entendu plein d’histoires de vols et autres lors de soirées organisées par des expats, et qui dois en plus gérer le fait qu’il y aura de l’alcool et qu’il faut donc que je surveille le comportement des élèves dits difficiles, ça commence à m’angoisser. Ca et le fait de devoir digérer l’échec au Défi Jeunes, qui se sont apparemment justifiés de manière scandaleuse, plus mes élèves français du collège que je n’arrive pas du tout à gérer (à ce titre la comparaison avec des cambodgiens du même âge est tellement), plus mes problèmes de peau qui comme d’habitude surviennent au plus mauvais moment (mais c’est l’histoire de la tartine qui tombe du mauvais côté), je dois dire qu’en rentrant chez moi ce soir et avant d’avaler en moins de dix minutes un sandwich maison au fromage puis un autre avec les saucisses de bœuf que m’a filées Viesna la veille et de me rendre compte que je n’avais plus d’eau minérale, j’avais les jambes coupées et une seule envie : dormir.
Oui sauf que j’avais promis à Daet et Konkir de passer la veille et que je ne l’avais pas fait, que je voulais comprendre l’histoire du raccrochage violent et que c’était le dernier soir où je pouvais essayer de trouver Thirak avant la fête de samedi (vendredi nous tournons avec les lycéens français). Je me suis donc rendu dans le bar où on m’a dit qu’il avait travaillé, tout en sachant que ce n’était plus le cas, et dans lequel on finit par me dire qu’il est maintenant chauffeur de moto, ce que j’ai du mal à croire vu le standing du bar où je me trouve et la condition pour le moins précaire des innombrables chauffeurs de moto à Phnom Penh. Néanmoins on me file son numéro de téléphone que je m’empresse de composer une fois arrivé au bar de Daet et Konkir. Après quelques hésitations (je parle en khmer) il me reconnaît et m’annonce qu’il arrive aussitôt."


et une vidéo ici (celui qui la regarde en accéléré est un salaud).

jeudi 19 mars 2009

Ainsi que tu me l’as demandé

La dernière fois Daet me propose qu’on se voit (c’est son seul soir de libre de la semaine) et nous convenons d’un rendez-vous dans un bar, sauf que quand je la rejoins elle me prévient qu’elle est avec des amies, pas de problème puisqu’il s’agit de Konkir que je connais bien et – surprise – de Sopheak (qui joue aussi dans le film) que je n’avais pas encore revue, sauf qu’il y a aussi un type, que je reconnais comme étant l’un des deux sales types du bar deux jours avant qui était clairement venus pour Konkir, et avaient même profité de l’absence du patron pour lui filer 10 dollars en échange d’une après-midi de shopping avec elle deux jours après, soit le jour du récit. Et celle-ci de finir par accepter après avoir plusieurs fois protesté, moi assez décontenancé par la situation, et là devant ce bar elle me le présente comme l’un de ses amis. Serrage de mains poli, gêne mutuelle évidente. Gloups.

Samedi après le dernier cours à l’université qui s’est un peu éternisé je croise Ny qui était du cours du matin et qui s’étonne de ma présence. Il me demande si je veux jouer avec eux, moi yes man surtout ici et en ce moment j’acquiesce, et me voilà pour la première fois m’essayant à ce jeu que j’ai souvent observé dans la rue et qui du reste existe en France, ce truc où on forme un cercle et on s’envoie une sorte de balle mais avec des plumes et qui va assez haut si tant est qu’on tape fort dedans. A ma grande surprise je ne suis pas totalement nul, ça ne m’amuse pas tant que ça mais ma satisfaction d’en être est telle que je ne me rends pas compte que la nuit est presque tombée et que nous devons arrêter. Ny, mon bienfaiteur ce soir là, me demande si je veux manger avec eux, de la viande de bœuf, me dit-il en cambodgien. On discute un moment, enfin plus exactement je les écoute car ils ne font plus l’effort de parler anglais, puis les trois seuls qui ne doivent pas rentrer manger avec leurs familles m’emmènent dans un lieu génial où tu fais griller ta viande de bœuf assaisonnée sur une sorte de poêle au gaz au milieu de la table, on s’est goinfré comme des porcs pour moins de trois dollars chacun. Ca ne parlait pas trop à table, ils avaient l’air fatigués par leur semaine, sauf quand j’ai dit les expressions que m’avaient appris Konkir et qui les ont fait s’étouffer de rire tellement ça doit être incongru de voir un étranger parler aussi crument.

Le lendemain je n’ai pas pu aller à la conférence où Ana m’avait invité car j’avais déjà ce truc de prévu depuis longue date et que j’avais quelque peu oublié, un rallye dans la ville toute la journée, une sorte de chasse au trésor par groupes organisée par des français, d’ailleurs il n’y avait que des français. J’étais avec le fils germano-khmer d’une vieille amie de ma mère et ses amis, soit des jeunes de terminale du Lycée Français. La contrainte étant un groupe de cinq, je rencontre Vata et Nippo, deux jeunes khmers parlant le français sans accent, et nous attendons tous qu’Eleonore qui n’a plus de portable se décide à venir, elle dont on sait qu’elle a passé toute la soirée avec Raimondo qui a appris ce même jour qu’il été refusé du MIT, Eleonore qui nous fait presque partir en dernier créant un handicap que du reste nous ne pallierons jamais, Eleonore qui finit par arriver comme une fleur prétextant que son père – haut diplomate qui est persuadé que je lui ai posé un lapin au rendez-vous qu’il avait bien daigné m’accorder cet été alors que c’était de la faute de son assistante, mais c’est une autre histoire – croyait que c’était à 8h30, Eleonore qui arrive avec son sweat jaune sur les épaules et son débardeur blanc, sa petite moue en guise d’excuse, et qui réveillera un goût pour la jeunesse quelque peu éteint depuis mon arrivée – contexte local un peu sensible sur la question oblige. N’y tenant pas évidemment je les ai tous conviés à la fête de samedi, ainsi que leurs amis les jumeaux Antoine et Camille, Raimondo, son frère et Tim. Nippo a eu une réaction d’enfant qui m’a ravit, s’écriant le sourire aux lèvres, alors pourtant que mon affirmation valait évidemment pour tous, « j’peux venir ? j’peux venir ? », Eleonore quant à elle a profité d’un moment où nous étions tous les deux pour me glisser qu’elle était « trop contente » que je fasse une fête, que ça allait changer de leurs bars habituels. Aujourd’hui d’ailleurs je l’ai croisée au CDI de leur Lycée après ma classe et je crois que c’est moi qui étais le plus gêné des deux.

Hier attendant Daet j’ai passé près d’une demi-heure dans ma rue sous le soleil, regardant les gens – eux ne se privant pas de faire de même pour moi – mais sans vraiment parvenir à leur parler (dans mon voisinage pour l’instant il n’y a guère que la famille de la petite épicerie juste en face, les quelques motodops et le monsieur de la famille en bas avec qui nous nous saluons cordialement, en attendant mieux). Daet finit par arriver non pas accompagnée de Konkir (j’ai compris qu’on se verrait difficilement que tous les deux, ça me convient totalement du reste) mais de sa jeune sœur, Rose, que j’avais déjà rencontrée dans le bar avec le sale type. Nous partons à trois sur la moto en quête des meubles dont j’ai besoin pour finir mon emménagement et que Daet a proposé de chercher avec moi. Pendant que nous marchandons une table en métal toute moisie pour faire office de bureau et une table basse pour les invités, Rose va s’acheter du jus de canne qu’on lui sert dans un sac en plastique fermé et qu’elle boit à la paille l’œil malicieux. Daet m’explique que Rose est intéressée pour faire le ménage chez moi ainsi que j’en avais exprimé le besoin, le jeudi idéalement pour elle car c’est son day-off dans le book shop dans lequel elle travaille (elle doit avoir 17 ans). Le jeudi ne m’arrange pas c’est précisément le jour de la semaine où je ne suis pas là de la journée.

Ce soir, m’apprêtant à sortir pour aller d’abord dans le bar où je sais que Thirak a travaillé afin qu’on me renseigne sur où le trouver maintenant, je reçois un coup de fil d’une Viesna qui me dit qu’on s’est rencontré au bar branché où travaille Daet, et qui me demande si je veux venir ce soir à « Gasoline » pour a « jail option » for « poor children ». Je comprends rien, je sais pas où c’est, mais je crois voir qui est cette Viesna (on m’a présenté plein de gens là bas), je dis oui et change de plan. Je me retrouve en fait dans le lieu très chic et en plein air où j’avais déjeuné la semaine précédente avec le directeur de télé qui a fait la même école que moi, qui voulait me proposer un petit job que je vais maintenant m’empresser d’accepter vu mes problèmes de thunes, un lieu avec que des expats - la plupart français - et quelques khmers fortunés. Viesna en fait partie, visiblement, accompagnée de sa sœur artiste (elle, bien qu’ayant fait les beaux arts locaux, organise à présent des exhibitions) et de ses amis. Elle me présente à sa mère, qui me dira à la fin de la soirée être venue pour me rencontrer car sa fille lui avait parlé de moi, qu’elle connaissait mon grand-père et qu’elle voulait savoir si j’allais avoir le petit air supérieur qu’affectent tant de cambodgiens ayant vécu ailleurs. Viesna me présente aussi à d’autres personnes, dont Sataa un designer hyper cool accompagné de son petit copain, et l’organisateur de ce qui se révélera en fait être une « Jewelry Auction », enfin je sais pas l’orthographe mais une vente aux enchère de bijoux dans le cadre d’une opération caritative pour les enfants pauvres d’une ONG, un truc mais absolument à gerber, du début à la fin, je veux pas m’étendre tout juste puis-je citer cette phrase incroyable de l’ambassadrice des Etats-Unis au début de son discours « So much pretty things put together tonight, beautiful jewelry made with real stones, to support beautiful children to make them stop picking up the garbage », non j’ajoute juste qu’ils avaient choisis 6 de leurs enfants pauvres qui étaient sagement alignés derrière les speakerines au début, un peu comme les bijoux étaient en vitrine à côté par ailleurs, puis ce sont eux ensuite qui ont animé les enchères, à coups de « please, to save us, just 5 dollars more, who said 205 dollars ? come on, who wants to be a winner ? noone wants to be a loser, you can be a famous person tonight so who say 205 dollars ? ». Etendu dans l’herbe aux côté de Viesna et de son groupe d’amis (10 personnes avec sa mère et moi), j’aperçois au loin la présence dans ce même bar (après avoir rencontré Stéphanie qui travaille dans la chaine de télé qui a ses bureaux à côtés) de l’australienne dont les lecteurs les plus assidus se rappelleront l’existence. Je lui fais des signes, elle finit par me reconnaître, m’ayant ensuite avoué qu’elle avait d’abord cru à quelqu’un qui surenchérissait sur un bijou. Je la rejoins à sa table où elle est avec sa coloc dont elle m’avait parlé, qui travaille à l’ONU et une collègue de son ONG que j’avais croisée plusieurs fois sans qu’on se soit jamais présenté. J’en profite pour l’inviter à ma crémaillère, nous discutons de tout et de rien, partageons notre étonnement sur la forme de l’enchère, bref rien de spécial et pourtant toujours cet intérêt que j’espère réciproque, mais peut-être n’est-ce là qu’une cordialité toute anglo-saxonne, quoiqu’il en soit j’apprends en prenant son numéro de téléphone qu’elle ne s’appelle pas Joana mais Jar nah, ça alors, c’est comme si je rencontrais une nouvelle personne. Plus tard dans la soirée nous partons avec Viesna et 4 amis à elle à la recherche d’un resto où manger à 21h ce qui est quasi mission impossible au Cambodge et nous échouons dans les stands de rue du marché russe, juste après que Konkir assez étrangement m’appelle pour savoir si je passe ce soir comme convenu dans leur bar, je lui explique que je ne peux pas et ça raccroche alors subitement, je rappelle mais rebelote, j’éclaircirai ça demain car j’irai les voir après avoir trouvé – je l’espère – Thirak. Je goûte pour la première fois à des saucisses de bœuf, Viesna voyant mon appétit me remettra le reste de ces saucisses comme on a l’habitude de faire dans les restos ainsi qu’un calendrier de l’ONG qui organisait la vente aux enchères avec en couverture les photos des enfants très pauvres qui ont pris les photos du calendrier, ça s’appelle smile cambodia et ça a au moins le mérite de me montrer ce qu’il ne faudra absolument jamais faire, ni même approcher, jamais.

mercredi 18 mars 2009

Fuck

Que dalle pour le Défi Jeunes, je m'attendais à tout sauf à celle-là.

vendredi 13 mars 2009

Rassurez-vous

tout va bien hein - j'ai reçu plusieurs messages qui s'enquéraient de ma détresse morale,

mais je maudis l'internet cambodgien, j'ai passé l'après-midi chez ma grand-mère de substitution afin d'utiliser internet, d'envoyer tous les mails importants que j'avais à envoyer ainsi que des photos à ma famille, de charger les nouvelles vidéo sur le site (j'en ai plein à mettre depuis le temps), et c'est tellement lent, mais tellement lent, qu'il a fallu m'y prendre à deux fois puis attendre deux heures pour charger une ridicule vidéo d'un minute dix... ça donne presque envie de pleurer (et je n'ai d'ordinaire pas l'épanchement lacrymal facile).

et pour gâter le tout je suis retombé dans mon travers de surfer pendant des heures, pour rien, ce qui me rend d'autant plus heureux de ne pas avoir internet chez moi (et par conséquent d'avoir repris - et ardemment - la lecture des démons) et ce qui a aussi une vertu sentimentale, car ça me rappelle mon année de maths sup où tous les soirs pour ne pas avoir à bosser je matais la télé, n'importe quoi, et que ma mère se levait carrément de son lit pour éteindre de force le poste, ce que je lui avais expressément demandé si elle venait à me trouver dans un tel état à une telle heure, mais ce qui ne m'empêchait pas de lui crier dessus quand elle le faisait, lui disant qu'elle n'avait pas le droit etc. Heureuse époque, un peu floue maintenant, comme tant d'autres. En tout cas ces heures perdues aujourd'hui ne le sont pas totalement: j'ai ainsi pu m'informer de la séparation de julien doré et de louise bourgoin ce qui n'a pas manqué de me rendre tristoune, les considérant comme notre équivalent national du couple pitt/jolie - le couple le plus cool de France quoi.

et voyant l'heure avancer, mon retard croître, j'ai décidé de coucher là, comme à la bonne époque, ce qui va me permettre S de t'écrire le mail promis, ce que dans le cas contraire tu ne m'aurais pas pardonné je crois (et tu aurais eu raison).

et miracle de l'édit rétroactif voici trois nouvelles vidéos , dites-moi celle que vous préférez.

et pour donner des news, en deux mots, on peut dire que le précédent message a joué un rôle moteur, oui, à vrai dire c'est un peu ridicule, mais c'est l'utilisation du regard de l'autre comme moteur de l'action, la peur de la honte, oui je l'avais bien dit que c'est ridicule. un exemple: je répète depuis un an que je pars faire des films au cambodge. bon ben au bout d'un moment je suis obligé d'y aller. ben là pareil, le fait de mettre un mot, solitude, évidemment disproportionné par rapport à ce que je vis ici, évidemment trop solennel, m'a fait me bouger le cul et réagir.

j'ai donc passé pas mal de coups de fil à des gens que je devais voir, proches de ma tante, la grande actrice, proprio, un khmer rencontré à une conférence ciné, le directeur de télé, je suis sorti tous les soirs et résultat j'ai rencontré moults gens. du milieu culturel surtout, cambodgiens ou expats, grâce à deux bars branchés art (et branchés tout court) où les proprio m'ont pris sous leur aile et me font rencontrer plein de gens. au début je trouvais ça sympa (et eux sont vraiment sympas) et puis au bout d'un moment ça m'a un peu dégoûté cette mondanité surjouée, ces gens qui me présentent comme un film maker alors qu'ils n'ont jamais vu mon travail, je vais encore donner l'impression de jamais être content mais le sentiment que j'ai eu c'est vraiment celui d'une auto-suffisance, un plaisir par trop onaniste de se sentir du côté de l'art, des gens de l'art, un autre entre-soi à peine moins dégoutant que celui du milieu des expats disons plus diplomatico-financiers. et dis-donc j'espère que y'a que les proches qui me lisent hein. donc voilà, je vais pas non plus trop cracher dans la soupe car j'y ai fait de chouettes rencontres, notamment ce cambodgien de 45 ans, ancien khmer rouge à 10 ans (!), parti ensuite faire ses études aux USA et qui a créé il y a plusieurs années au Cambodge un truc vraiment cool et très connu, le cambodian li-ving ar-t (tout attaché bien sûr), regardez sur google, en gros l'idée c'est de faire survivre la culture traditionnelle khmère en la mélangeant aux arts et à la culture de la nouvelle génération. le type en question est arrivé comme un paysan, si bien que mes amies serveuses ne voulaient pas croire que c'était avec lui que j'avais rdv tant il jurait avec le reste de la population. et le type est connu dans tout le cambodge. super content de me voir, notamment parce qu'il dit avoir trouvé l'inspiration, entre autre, devant les films de mon grand-père à l'époque, on a promis de se revoir à son retour d'amérique dans un mois.

non le truc plus marrant et après j'arrête car je dois écrire mon fameux mail, c'est que dans un des deux bars il y a donc deux serveuses avec qui je suis pote (l'une a joué dans expired) et avec qui on avait déjeuné dans mon quartier la veille. dans ce bar il n'y a pas beaucoup de monde si bien que je passe mon temps au bar à apprendre auprès d'elles des nouveaux mots cambodgiens (apparté: hier dans une des ONG le prof qui traduit habituellement n'était pas là, donc j'ai animé une séance pratique sur le montage intégralement en cambodgien, je vous laisse imaginer ma fierté), donc je disais que oui j'étais tout le temps au bar avec daet et konkir, et la proprio trop sympa et qui m'avait déjà présenté 10 personnes dans la soirée arrête pas de venir me voir pour me convaincre de les rejoindre à leur table, et moi je dis ok i come mais bien sûr je veux rester au bar, et les filles l'ont bien compris qui jouent le chantage affectif en me priant de rester si tel est mon souhait et de ne pas sacrifier à la bienséance sociale, alors même qu'il s'agit de leur employeur, je vous laisse là encore imaginer ma gêne (aujourd'hui je mise tout sur votre talent à l'imagination). fin de l'histoire: je suis resté au bar et maintenant je sais dire papier, eau, mourir, attendre, long, tous les jours, toutes les nuits, je t'aime.

lundi 9 mars 2009

Je me sens seul

Tiens j'écouterai bien ce morceau du klub des losers tout a l'heure (je fais pas l'effort de mettre des accents c'est epuisant).

Comme prevu ce nouveau depart est destabilisant à plus d'un titre, mais qui dit destabilisant dit passionnant, entre la decouverte de mon appart sans eau et sans electricite le premier jour (mais c'est rentre dans l'ordre), celle d'un nid de fourmis rouges qui longent les murs de toutes mes pieces et se ruent sur la bouffe si je l'enveloppe mal, le grand nettoyage d'un appart bien bien sale partout, l'apprentissage des douches sans eau chaude (mais le climat aide a faire passer le truc), les negociations interminables au marche pour m'acheter des produits menagers...

Non le vrai truc c'est quand meme ce sentiment nouveau de solitude. Je faisais mon malin en disant parfois que j'aimais bien me retrouver seul quelques jours d'affilee a paris, tu parles, quand bien meme je reste seul 3 jours dans mon appart de bastille, d'abord il y a internet qui te maintient en contact avec le monde, emsuite il y a toujours cette possibilite de sortir de cette solitude en passant un coup de fil, je veux dire que tout est fausse par le fait que tout est retournable en un rien de temps. La oui je suis seul, sans internet et ca fait du bien (meme si ca pose son tas de consequences compliauees a gerer), et surtout sans personne a appeler quand j ai envie de sortir. Je vais donc manger le soir dans les restos de rue qui pullulent dans mon quartier, pour l'instant tout le monde me devisage ici car c'est un quartier assez populaire donc j'imagine avec peu d'etrangers qui y vivent, difficile en effet de nouer le premier contact mais ca va venir. En bas de chez moi il y a un lady boy (j'ai appris ce mot en thailande) qui squatte, une ecole d'anglais, une petite epicerie de rue, un snack US avec donuts et cheesburgers, un salon de massage et un sexy bar. Plus loin il y a plein de pharmacie (c'est le quartier) et de restos ouverts sur la rue, specialises dans les sandwichs au pate, les grillades et les fruits. Je prendrai des photos de tout ca et de mon appart prochainement. Je dois avouer que ce qui me retient parfois dans mes envies de rapprochement social c'est que je crois que l'image de l'expat sympa qui sourit a tout le monde et s'interesse aux gens, qui a meme appris des mots de khmers me rebute a peine moins que celle de l'expat neo colonialiste meprisant.

Non ce qui est cool c'est qu'il faut faire un effort maintenant pour reduire la distance, sous peine de ceder aux sirenes de la communaute des expats (ce qui n'a pas manque hier avec la directrice du bar ou je suis alle, mariee a un americain et qui s'est propose en moins de 20 minutes de discussion de me presenter a 3 personnes differentes, toutes "influentes" ici et dans le milieu de la culture, you will see he knows so much people here you must meet him, I call him. Mais le bon point de la soiree c'est que je suis alle dans ce bar pour retouver certains des actrices d'expired que j'avais donc rencontrees cet ete, qui y bossent maintenant et qui furent ravies de me revoir, enfin je crois. On dejeune ensemble demain midi car le hasard, gentil hasard, fait qu'elles sont tous les matins a l'ecole d'anglais en dessous de chez moi.

Et je fais ma pendaison samedi dans deux semaines, allez le defi c'est de faire au moins 30 personnes (pour deux fois l'espace de la rue keller, ca va changer...).

A tantot.