dimanche 12 avril 2009

C. needs shopping…

Pour une raison que j’ignore mais que j’attribue partiellement aux photos que tu m’as envoyées hier et à leur concrétude, c’est la première fois que l’ultra précision et la persistance des images me permettent d’en faire un récit.

Je ne me souviens plus trop bien du début, comment nous négocions avec la question du temps qui a passé, je crois que je suis plein de rancœur et sans doute ai-je en embuscade, prêtes à servir à tout moment, quelques phrases cruelles dont je connais à l’avance les effets destructeurs. Il y a ensuite une sorte d’ellipse à moins que ça ne soit un trou de mémoire ou les deux mais nous finissons par passer la nuit ensemble, redécouvrant le parfum de nos corps mais aussi notre complicité d’antan. A un moment, en plein milieu de caresses, je sursaute : il semble que j’étais dans une sorte de demi-sommeil (tiens je n’ai pas pensé alors à évoquer la corde) et que je viens d’arriver à une pleine conscience. Je lui fais part de ce réveil et lui demande si les instants d’avant elle avait deviné que je demi-dormais. Son petit rictus me fait comprendre qu’elle avait bien senti que je n’étais pas là.

La lumière du plafond est allumée. Je lui demande si elle est sortie pendant la nuit, car il me semble bien que quand nous nous sommes endormis elle était éteinte (du reste je pense que je mens ou qu’au mieux je fais preuve d’intuition car je n’en ai aucun souvenir réel), elle me répond que non mais soudain je perçois dans le tremblement de sa voix quelque chose d’étrange, comme une tristesse et une conscience cachées sur lesquelles elle posait le voile d’une insouciance que par ailleurs je reconnaissais totalement. Je pense soudain que nous ne sommes pas seuls, que tout le monde doit savoir que nous avons passé la nuit ici, et j’imagine effrayé son copain ouvrir brutalement la porte et me casser la figure ainsi qu’il m’en avait menacé il y a quelques années.

A une seule reprise je crois j’évoque la réalité des choses, soit la question du qu’est-ce qu’on fait maintenant, quel est notre avenir, mais elle coupe aussitôt court à la discussion, je ne sais plus avec quel argument mais en gros en prétextant qu’il ne faut pas gâcher le moment présent, et en gros je comprends que nous n’avons aucun avenir.

Je regarde son visage. Le remarquant elle me montre fièrement qu’elle a maigri des joues et du reste c’est vrai, et l’espace d’un instant je me dis qu’elle est incroyablement belle, puis continuant à la dévisager et me réhabituant à ces traits autrefois si familiers je me rends compte qu’ils ont vieillis, presque imperceptiblement, surtout sa peau est un peu abimée, un peu rouge, comme des marques d’une surexposition au soleil, ça part du milieu des joues pour atteindre le front. Je lui demande si ce qu’elle avait au lobe de l’oreille droite va mieux (elle n’a jamais rien eu à l’oreille, je ne sais pas d’où me vient l’idée) car je ne vois plus rien (et pour cause) mais elle me répond que si, que ça n’est pas parti et qu’elle en garde toujours la trace.

A un moment je prends conscience qu’elle n’est plus dans la chambre. Je réfléchis mais ça a beau s’être passé il y a quelques secondes je n’arrive plus à me rappeler pourquoi elle est sortie et ce qu’elle m’a dit avant de partir. Soudain j’aperçois la présence en plein milieu du lit d’une sorte de ver de terre marron de quelques centimètres, je me dis vite avant qu’elle ne revienne débarrassons-en nous je ne veux pas qu’elle soit dégoûtée par l’hygiène de mon appartement cambodgien (la scène se passant alors subitement au Cambodge), je le prends à l’aide de deux doigts vite relayés par un mouchoir, je le jette dans la poubelle et voulant me laver les mains je me rends compte qu’il y en a un deuxième dans l’évier, presque sous l’eau, d’une taille encore plus inquiétante et d’une forme encore plus repoussante.

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