vendredi 24 avril 2009

Koustonbrut t'es passé où

C’est vraiment dommage que je n’ai pas pu finir le post précédent, il était tard et j’ai préféré dormir avant le départ, et puis je crois me souvenir que je n’avais pas trop l’énergie d’écrire, c’est vraiment dommage car il y avait beaucoup à dire sur les gens qui peuplent ma rue, pour la plupart des jeunes travaillant autour de la prostitution, oui il m’a fallu près de deux mois pour me rendre compte que j’habitais un quartier de prostitution, rien que dans ma rue un bar fermé à enseigne lumineuse rose, à côté une grande entrée sombre dont je ne sais pas si les filles et les transsexuels qui en sortent puis y rentrent font partie du bar à enseigne rose ou s’il y a autre chose à l’intérieur (pas encore osé m’y aventurer), en tout cas devant cette entrée il y a toujours du monde, surtout des jeunes mecs dont là encore je ne comprends pas si ce sont des rabatteurs, ce qu’ils font exactement avec les filles ou simplement s’ils glandent là parce qu’ils habitent là, ces jeunes mecs ne me parlent jamais, ils sont les seuls à ne pas me répondre quand je dis bonjour, j’espère que ça va pas durer trop longtemps, je compte sur Choy, les enfants et les filles pour leur dire que je suis sympa mais c’est pas gagné. A côté de l’entrée sombre il y a la maison de Choy avec l’épicerie sur rue de sa mère, en face un salon de coiffure tenu par une femme, la trentaine (d’ailleurs j’y vais demain matin, même si la coupe est à deux dollars ce qui est du vol me dit Seila qui va se coiffer dans les trucs à la mode pour un peu plus d’un dollar), qui habite derrière son salon et que j’ai vu sortir tous les soirs vers 22h en tenue sexy, entrer dans la voiture de son amie similairement vêtue puis partir rejoindre quelques destinations secrètes, à côté de ce salon une guest house dont j’ai vu sortir quelques vieux occidentaux et aussi entrer mais la plupart du temps accompagnés de jeunes filles locales elles-mêmes accompagnées d’un jeune homme en moto qui les dépose, part puis revient les chercher une heure après.

En revenant de ces trois jours à Battambang, à passer des heures à deux ou trois sur des motos le long de routes magnifiques, à se faire attaquer comme le veut la coutume par des jets de ballons d’eau dans les rues et à assister à une bagarre générale dans un temple bouddhique au beau milieu d’une fête, un sentiment familier, celui du vide qui accompagne les retours de période intensive et collective, genre l’après cannes ou l’après tournage (l’après colo en étant la première expérience). D’habitude il est facile de ne pas céder à l’appel du spleen en passant un coup de fil et en allant boire un verre avec quelqu’un. Là pas de bol personne à appeler, et arpentant les rues après avoir épuisé la solution du cybercafé où je suis resté deux heures je suis soudainement pris d’une impression que j’avais habilement oubliée, celui d’être seul et perdu dans un pays inconnu. Par masochisme je ne suis pas allé boire un verre dans le bar de Kongkea et Daet et pire j’ai décidé de ne pas manger dehors mais de me faire ma soupe bihebdomadaire, et pire encore en passant devant chez Choy et ne l’apercevant pas je n’ai pas demandé à sa mère d’aller le chercher comme je le fais tous les jours. Dans cet appartement que ma première rencontre avec le cafard a rendu légèrement hostile j’allume toutes les lumières, fais chauffer l’eau et me mets à l’écriture de ce billet quand mon téléphone sonne : c’est ma mère, qui a sans doute senti ma détresse à l’autre bout de la planète. Elle me questionne sur mon week-end, je lui raconte, mon père veut me parler d’un retrait de l’essec sur mon compte, elle l’engueule en lui disant que ce n’est pas le moment qu’il me racontera dans son mail, je le relance pourtant mais pressée elle semble vouloir mettre fin à la conversation, je sais que c’est parce que ça coûte cher et surtout qu’elle ne veut pas me faire perdre mon temps, mais cette fois-ci je suis prêt prolonger la discussion le temps qu’il faudra, sauf que c’est trop tard elle a raccroché avant même que j’aie le temps de lui dire d’embrasser mon frère et ma sœur pour moi, j’aurai voulu lui dire maman je me sens seul ce soir discutons encore un peu mais elle n’en dormirait plus la nuit.

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